L’atelier de Nazareth

Extrait de « Le mystère de la Charité de Jeanne d’Arc », de Charles Péguy.


( Jésus sur la Croix )

Il saisit d’un regard toute sa vie humaine
Que trente ans de famille et trois ans de publics
N’avaient point accomplie

[…]

Car il avait travaillé dans la charpente, de son métier
Il travaillait, il était dans la charpente
Dans la charpenterie
Il était ouvrier charpentier.
Il avait même été un bon ouvrier
Comme il avait été un bon tout.
C’était un compagnon charpentier
Son père était un petit patron
Il travaillait chez son père
Il faisait du travail à domicile.
Il voyait, il revoyait aussi l’établi et le rabot
L’établi. Le billot pour appuyer le morceau de bois que l’on fend
La scie et la varlope.
Les beaux vrillons, les beaux copeaux de bois
La bonne odeur du bois frais
Fraîchement coupé
Fraîchement taillé
Fraîchement scié
Et la belle couleur, et la belle odeur,
Et la bonne couleur, et la bonne odeur,
Du bois quand on enlève l’écorce
Quand on le pelure
Comme un beau fruit
Que l’on mangerait
Mais ce sont les outils qui le mangent
Et l’écorce qui se sépare
Qui s’écarte
Qui se pèle
Qui s’enlève délicatement sous la cognée
Qui sent si bon et qui a une si belle couleur brune.
Comme il aimait ce métier là
L’écorce qui a une si bonne couleur, une si bonne odeur.
Comme il aimait son métier
Il était fait pour ce métier-là,
Sûrement.
Le métier des berceaux et des cercueils
Qui se ressemblent tant,
Des tables et des lits
Et aussi des autres meubles,
De tous les meubles
Car il ne faut oublier personne
Il ne faut décourager personne.
Le métier des buffets, des armoires, des commodes,
Des mées
Pour mettre le pain,
Des escabeaux
(Et le monde n’est que l’escabeau de vos pieds)
Car dans ce temps là les menuisiers n’étaient pas encore séparés des charpentiers.
Tout ce qui travaillait le bois
Comme il avait aimé le travail bien fait
L’ouvrage bien faite.

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