Nous avons rencontré… le créateur de Philodéfi

Ça y est ! la philosophie est devenue un jeu ! Un jeu d’enfant pour « apprendre la philosophie autrement » promet Stéphane Marcireau. Fort de plus de 20 ans d’expérience, ce professeur de philo au lycée vient d’éditer Philodéfi, un jeu de cartes à plusieurs niveaux qui permet à tout âge d’appréhender la pensée des grands philosophes par l’observation, la compréhension, la mémorisation et l’argumentation.


Nous l’avons testé et nous ne pouvons cacher que nous nous sommes énormément amusés ; il faut dire aussi qu’une discussion philosophique sur « que peut-on savoir de nous-mêmes ? » dans la peau de Blaise Pascal face à Friedrich Nietzsche ne manque pas de piquant. Même sans être un féru du débat d’idées, on se prend au jeu, on cherche l’argument juste, on s’interroge sur le sens ou la pertinence de telle idée, de telle vision du monde…
On pourrait craindre que le jeu, totalement organisé autour des idées phares d’une sélection de philosophes les plus connus, reste à un niveau très scolaire de simple mémorisation de concepts. Un truc un peu trop « bac philo »…
Il n’empêche que la porte reste grande ouverte à la réflexion personnelle, si l’on veut s’en donner la peine.
C’est d’ailleurs l’ambition du créateur. S’il a élu les douze philosophes de son jeu selon leur « popularité » dans les manuels de philo et s’il affiche le désir de voir son jeu aider les futurs bacheliers, néanmoins le projet reste aussi d’éveiller à la réflexion philosophique tout être doué de raison, de 7 à 99 ans !

Mais laissons la parole à Stéphane Marcireau, qui a bien voulu répondre à quelques questions.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Professeur de philosophie depuis 23 ans, docteur en philosophie, animateur d’ateliers philo pour enfants, père de cinq enfants.

Comment est née l’idée de ce jeu philosophique ? Répond-il à l’origine plutôt à un besoin scolaire ou plutôt au désir de répandre la démarche philosophique ?

L’idée est née du constat de la difficulté des élèves à mémoriser le contenu du cours (en terminale les programmes sont chargés dans toutes les matières). J’ai voulu élaborer un outil permettant aux élèves de comprendre et de mémoriser l’essentiel des grands penseurs.
Aujourd’hui, le succès du jeu permet d’envisager le deuxième aspect évoqué : valoriser la philosophie, montrer que l’on peut apprendre autrement et que ce n’est pas si difficile.

Selon vous, qu’est-ce que jouer apporte à l’apprentissage ?…

Lors d’un cours magistral, on constate souvent que les élèves « décrochent » rapidement parce qu’ils sont passifs. Le fait de jouer les rend au contraire actifs ; or, on sait que l’activité et la pratique permettent une attention soutenue, une meilleure concentration et favorisent donc l’acquisition des connaissances. Le jeu Philodéfi apporte une dimension supplémentaire car il peut se jouer en équipe ; l’apprentissage se fait de manière collective, chacun peut apporter ses qualités et ses compétences, si modestes soient-elles, pour la réussite de l’équipe et l’on évite la dualité paralysante des « bons » et des « nuls ». On a le côté « communautaire » d’une collaboration qui crée des liens plutôt que la compétitivité stressante (le stress est un facteur négatif dans l’apprentissage) du modèle libéral où chacun, pour sa peau, doit être meilleur que les autres.
Les trois types de mémoire sont donc sollicités : mémoire visuelle par les images, mémoire auditive parce que l’on parle et que l’on écoute, mémoire kinesthésique parce que l’on agit, on échange, on vit des situations variées.

… et à la réflexion philosophique ?

La philosophie pâtit des légendes scolaires qui l’entourent : ce serait une matière difficile où l’on aurait forcément une mauvaise note au bac, où les notes seraient données aléatoirement, LA matière terrible de la classe de terminale dont on n’entend jamais parler avant et que l’on doit avaler en dix mois… Le jeu vient donc d’abord dédramatiser la philo. C’est un jeu sérieux mais il n’est pas facteur de stress. Il permet également d’aborder la philosophie beaucoup plus jeune, sans attendre la terminale, et d’acquérir notions et culture générale petit à petit plutôt que « sous la menace » du bac. Un jeune qui se serait familiarisé tôt et paisiblement avec la philosophie aurait plus de facilités à s’adonner à la réflexion personnelle en terminale, plutôt que d’ingurgiter son programme sans y trouver de profit personnel.
Les jeux qui amènent les élèves à argumenter permettent vraiment de réfléchir aux idées des penseurs et cela permet aussi d’entamer des discussions entre les joueurs. Le jeu ne consiste pas seulement à assimiler mais aussi à restituer et à se positionner par rapport à des penseurs.

Pourriez-vous nous présenter succintement le déroulement du jeu et ses différents niveaux ?

Il faut aller consulter les tutoriels sur le site www.philodefi.fr !

Niveau 1 : observer, comprendre et mémoriser
Niveau 2 : mémoriser (jeux du style : Questions pour un champion, Sept familles, Kem’s)
Niveau 3 : comprendre et argumenter : on va s’appuyer sur les questions type bac et se mettre « à la place » d’un philosophe pour répondre à une question de dissertation, ou encore on va choisir une notion du programme et il faudra faire des liens avec les citations des philosophes dont on a les cartes en main.

J’ai trouvé géniales les images dont chaque détail représente une idée du philosophe concerné, et qui en permettent la mémorisation. D’où cela vous vient-il ?

Le principe de l’image qui se constitue en carte mentale est inspiré des cartes heuristiques (ou cartes mentales), du jeu Dixit, et des formations que j’ai suivies sur les neurosciences. Le jeu est testé et utilisé dans mes classes depuis presque une année.

J’ai pu constater que votre fils semblait maîtriser l’ensemble du jeu… Auprès de quelles tranches d’âge avez-vous déjà testé Philodéfi ?

Au début les élèves de terminale étaient concernés, puis je l’ai utilisé avec des enfants dans le cadre des ateliers de philosophie pour enfants, CM1-CM2 notamment. Pour les plus jeunes, je m’appuie seulement sur l’image et sur le jeu des questions-réponses (Phil’Observation). Le jeu peut être joué dès sept ans, avec un adulte, pour les premiers niveaux.
Pour les collégiens et les lycéens, il ne faut pas hésiter à leur proposer d’acquérir une vraie culture générale en philosophie : les jeunes … et leurs parents sont souvent demandeurs. Pour eux, l’ensemble du jeu est abordable.

Quelles observations avez-vous pu faire ?

Les enfants du primaire n’hésitent pas à dire ce qu’ils pensent – ou ce qui leur passe par la tête – car le regard des autres les inhibe moins. En revanche les questionnements seront souvent moins suivis et approfondis. Au collège le regard des autres va prendre plus d’importance mais, après un temps de mise en confiance, les questionnements sont très intéressants et sincères. Les lycéens peuvent aller très loin mais parfois – sur des sujets comme la politique, la religion, l’art… – ils reprennent ce que pensent les adultes dont ils sont proches, comme leurs parents, et osent moins penser par eux-mêmes. En effet, ils perçoivent que cela les engage et représente un risque (tout relatif !).

A quand une extension du jeu ?! On attend Hannah Arendt, saint Thomas d’Aquin…

C’est effectivement en projet ! Kierkegaard, Epictète, Epicure, Spinoza, Hannah Arendt, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Sartre, René Girard… pourraient figurer dans une extension…

Comment peut-on se procurer le jeu ?

Sur la boutique de la Compagnie de la Sainte-Croix mais aussi sur www.philodefi.fr et dans les boutiques partenaires.

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