Flânerie

Nous vous livrons ici un texte de Guy de Larigaudie, extrait de Etoile au Grand Large.


 

« La ville, anonyme, cacophonique et haletante, où l’esprit est malaxé à une cadence de riveteuse ou de machine à emboutir, ne permet que difficilement la flânerie dans le silence et la solitude.

Au rythme lent d’autrefois, celui des saisons et des plantes, l’homme n’était ni bousculé, ni broyé. Il avait, par la force des choses, le temps de se regarder vivre. Il perd de plus en plus aujourd’hui ce droit de regard sur lui-même. 

Il nous faut le retrouver. 

Au clan, en sortie routière, le Chef se demande parfois avec anxiété comment il remplira certains temps de battement. Discussions, étude de problème, chapitre. Soit. Mais pourquoi pas, tout simplement, rien. Chacun de son côté, dans la campagne ou la forêt, retrouvant la solitude, le silence. Beaucoup d’entre nous ne savent plus supporter ni l’un ni l’autre. Et pourtant la voix de Dieu est si subtile que l’on ne peut l’entendre que dans le silence. Seul.

Il nous faut réapprendre la flânerie. Non pas celle où l’on promène un cœur vide et une âme sans pensée. Mais la flânerie féconde qui est comme une retraite en soi-même.

Au hasard de mille promenades solitaires, on découvre plus de trésors que n’en contiendront jamais tous les lagons secrets des îles de corail.

Il y a tant de profit à marcher sans but, seul dans la campagne, dans ce silence que l’on écoute avec stupeur à la descente de chemin de fer ou de voiture en venant de Paris. Le claquement d’un sabot sur les pierres, la plainte d’une charrue ou d’un joug, un oiseau qui chante, une eau qui murmure, un troupeau d’oies en alerte au passage du facteur, tous ces bruits qui ne rompent pas le calme mais qui remplissent en animent le silence.

La trépidation mécanique et le grondement sourd des grandes cités se sont tus.

Seules montent ces résonances du vent, de l’eau, des plantes, des bêtes et des hommes qui sont comme la respiration du monde.

Il fait bon muser, prêtant l’oreille à cette longue chanson de la terre. Elle est propice aux souvenirs, aux rêves d’avenir, à la conversation familière avec Dieu. Elle est féconde, parce qu’il est plus facile de se sculpter une vie plus belle lorsque l’on peut la rêver ainsi avant de la vivre.

Il faut nous habituer au cœur à cœur avec Dieu, dans la solitude et le silence de sa création. »

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