Du pari bénédictin à l’Ordre Scout…

Si vous avez suivi nos quelques articles précédents, vous savez maintenant ce que Rod Dreher appelle le pari bénédictin.
Il note dans le dernier chapitre de son ouvrage :
« On me dit tout le temps : « Cette histoire de pari bénédictin, ça revient en fait à être chrétien, c’est ça ? » et je réponds à chaque fois : « Bravo ! Vous avez déchiffré l’énigme ! » Au fond, personne ne le ferait si on n’utilisait pas des termes nouveaux. La voie bénédictine, ce n’est rien d’autre que la voie de l’Eglise, mais avec un nom un peu conceptuel, les gens s’y intéressent nettement plus. »


Comment ne pas penser au père Sevin qui écrivait déjà à ceux qui ne le comprenaient pas que « l’esprit scout, c’est l’esprit chrétien mis en pratique » ? Le nom « un peu conceptuel » de Dreher, le père Sevin en avait trouvé un autre : « l’Ordre Scout ».

Bien sûr, l’Ordre Scout, c’est l’ordre religieux, qui finira par être fondé en 1944 avec les Dames de la Sainte-Croix de Jérusalem, mais c’est aussi, comme le Père l’écrit en 1931, « un certain ensemble de pensées, d’aspirations qui tendent à se répandre, à s’imposer à l’attention et aux mœurs et vont à faire régner dans la société contemporaine un certain ordre intellectuel, moral et pratique, qui, procédant du scoutisme, ne pourrait mieux se définir que par le terme d’ « ordre » scout, au sens où l’ordre français régnait en Europe au siècle du Grand Roi, où l’ordre romain informait le monde à l’époque de la naissance du Christ. »

Les petites chrétientés rayonnantes que Dreher appelle de ses vœux, c’est ainsi que les fondateurs des Scouts de France voyaient chaque troupe scoute, et c’est bien en ce sens que le Père nous explique que bien au-delà de ceux qui appartiennent au groupe scout, ou bien au-delà des parents de scouts, c’est toute la paroisse qui doit bénéficier de la vie scoute.

L’ordre scout, c’est un ordre évangélique, qui exalte le loyalisme, la fraternité, la discipline intérieure, la pureté. Autant de notions que l’on retrouve dans l’ouvrage de Dreher. L’ordre scout, c’est, comme dans le pari bénédictin, remettre chaque chose à sa place, et le Christ crucifié au sommet de tout. Si notre écrivain américain puise chez saint Benoît, s’il s’inspire des monastères médiévaux… le Père Sevin n’a pas fait autre chose. Le Père, lui aussi, encourage les laïcs à prendre exemple sur les religieux, qui n’ont pas le monopole des vertus chrétiennes. Mieux encore, le Père veut fonder – et fonde en partie – un ordre chevaleresque, avec une règle qui s’applique autant aux laïcs qu’aux religieux. C’est tout à fait la démarche de saint Benoît !

Pari bénédictin, Ordre scout, ce ne sont que deux facettes d’un ordre chrétien que nous voulons pour nos contemporains. Ce pari, c’est précisément celui que propose la Compagnie de la Sainte-Croix. Dans l’esprit du Père Sevin, après d’autres et avec d’autres, nous voulons sanctifier chacun de nos membres, parce qu’il faut que « nous soyons nous-mêmes, résolument, chrétienté », mais, chevaliers, nous avons aussi une œuvre sociale à mener.

La Compagnie de la Sainte-Croix, c’est l’amour de Jésus, et de Jésus crucifié. « Parler de Lui et Le faire aimer, voilà notre apostolat. »

C’est pour nos membres une règle personnelle, qui peut être vécue par tous selon l’état de vie de chacun, parce que « notre amour doit être pratique ».

C’est précisément cet esprit de chevalerie, qui s’est développé sous la bienveillance de l’Eglise pour transmettre l’amour du Christ dans la société civile, pour mettre la force de quelques-uns au service du bien commun. Cette chevalerie, c’est d’abord « une certaine qualité d’âme en qui l’on trouve l’honneur, la force au service de la faiblesse, l’inaptitude aux reculades et le luxe d’en faire en tout plus qu’il n’en faut. »
« L’honneur dont nous avons soif, c’est l’honneur de Dieu — « La plus grande gloire » est celle de Dame Sainte Eglise. »
La force au service de la faiblesse, c’est une « force du caractère, de l’esprit, de l’âme, et même du corps » que nous voulons acquérir « pour la déployer au service du prochain ».
Notre inaptitude aux reculades réside dans notre « persévérance dans la tendance à la perfection », dans la constance de nos entreprises.
Et enfin, notre luxe réside dans « la générosité à nous vaincre », dans la magnanimité de notre apostolat.

La Compagnie de la Sainte-Croix, c’est encore l’esprit de ces moines chevaliers qui, unissant le meilleur des deux mondes, ont opéré une formidable synthèse entre la vie contemplative et la vie active, entre la vie du cloître et la vie dans le monde.

Plus fort par cette vie intérieure, nous choisissons de nous donner aux plus faibles, à commencer par la jeunesse, particulièrement à ceux qui ne sont pas catholiques, particulièrement à ceux « dont les autres œuvres ne veulent pas ou ne veulent plus ».

Secourir la jeunesse, c’est aussi soutenir les familles, citadelles de la chrétienté, trop souvent isolées, égarées dans un monde qui va à rebours de la Sagesse Divine. C’est proposer des solutions « vivantes, chaleureuses et joyeuses », c’est remettre du sens dans une société morcelée, une société de loisirs, une société préoccupée des enjeux environnementaux actuels.

Les paroisses doivent être pour cela de véritables sources d’eau vive, de celles où coule cette eau par laquelle on n’a plus jamais soif. C’est pour cela que notre Compagnie se veut « volante », au service de l’Eglise, toujours prête aux missions d’avant-garde.

C’est en ce sens que nous préparons quelques entreprises de plus grande envergure, de celles qui demandent que quelques uns y consacrent toute leur vie, qui demandent de renoncer aux réussites mondaines.

La Compagnie de la Sainte-Croix, ce sont surtout quelques « serviteurs inutiles » qui, dans toute leur faiblesse, veulent être au Christ, et partant de là, ne veulent pas être au monde. « Energiquement, ostensiblement, nous rompons avec son esprit. Entre lui et notre âme, rien de commun n’est possible. Nous sommes dans le monde, c’est notre vocation, mais nous nous refusons absolument à être de ce monde pour lequel Jésus n’a point voulu prier. Cela ne nous dispense pas et ne nous empêche pas, au contraire, d’être de notre temps et de notre pays. Mais nous prétendons vivre totalement en chrétiens et en chrétienté. »


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