Qui est le Père Timon ?

Joseph-Marie Timon-David né le à Marseille et mort le dans la même ville, est un prêtre catholique français. Ému par la misère spirituelle et humaine des jeunes ouvriers il se sent poussé à se consacrer entièrement à leur éducation chrétienne à travers les loisirs et une formation spirituelle sérieuse et adaptée. « Ici on joue, ici on prie », telle sera la présentation de son « Œuvre de Jeunesse » et de son « Ecole ».

Sur les conseils de son évêque, Eugène de Mazenod, il fonde, au service de son Œuvre, une communauté religieuse consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. L’amour du Cœur de Jésus sera la raison d’être de Timon-David, de sa Congrégation religieuse, de ses œuvres d’éducation. Educateur-né, soucieux de « graver Jésus-Christ dans les cœurs », il aide les jeunes à s’attacher au Cœur du Christ, source de toute sainteté au moyen de sa « Méthode d’éducation surnaturelle » qui le fera connaître dans toute la France et au-delà de l’hexagone. Joseph-Marie Timon-David, au cours des années, perfectionne sa formule et doit traverser de nombreuses épreuves dues aux difficultés de toute fondation et aux évènements politiques et sociaux. Quand il meurt en 1891, bien que peu nombreuses, ses Œuvres et sa Congrégation sont bien vivantes, puisant leur dynamisme dans la spiritualité du Cœur de Jésus. Une famille spirituelle était née, les « Timoniens », qui aujourd’hui encore, à travers ses maisons, continue à servir les jeunes des milieux populaires. Une Congrégation religieuse, un projet éducatif, une Famille, composée de jeunes et d’adultes vivant une spiritualité, des jeunes réunis autour du Cœur de Jésus dans les diverses maisons timoniennes. Une mission : aller du Cœur du Christ au cœur des jeunes.

 

Enfance

Joseph-Marie Timon-David est né dans une famille aisée et profondément chrétienne, mais a connu les épreuves de la Révolution française. Son père a dû passer sa jeunesse à l’étranger. Joseph est le cinquième enfant de la famille. À sa naissance, son père a 68 ans, sa mère 40. C’est elle qui va lui donner une solide éducation tant humaine que chrétienne. Joseph est un garçon attachant, sensible, imaginatif, volontaire, intelligent et intuitif. Sa mère saura l’éduquer avec tact et patience, ce qui n’est pas le cas de tous les instituteurs auxquels il est confié durant son enfance. Leurs méthodes d’éducation sont dures ; Joseph s’en souviendra toute sa vie. Il sent naître en lui la vocation de prêtre.

En 1833 son père meurt. Joseph végète scolairement ; le choléra frappe Marseille. En 1835, sa mère décide de l’envoyer faire ses études en Suisse, à Fribourg, au Collège Saint Michel tenu par les Jésuites. Là il rencontre des religieux maîtres en éducation ; il est subjugué. Il va s’imprégner de leurs méthodes éducatives. Fribourg va le marquer à jamais. Pour lui le Collège Saint Michel sera « le prototype d’une maison d’éducation ».

 

Formation et ordination

Voulant répondre à sa vocation de prêtre il est envoyé à Paris en 1842 par son évêque, Eugène de Mazenod, au séminaire de Saint-Sulpice, en particulier pour qu’il se forme à la méthode catéchétique de Saint-Sulpice. Là, Joseph va devenir ultramontain, un fervent défenseur du Pape, par réaction au Gallicanisme régnant ; sa rencontre avec Dom Guéranger, restaurateur de Solesmes, va l’ouvrir au sens et à la beauté de la liturgie.

Peu avant son ordination, des rencontres providentielles à Paris et à Marseille lui font découvrir les besoins spirituels de la classe ouvrière. Il sent là un appel intérieur qui sera sa nouvelle vocation. Le 29 juin 1846, au cours de sa première messe, il s’engage irrévocablement : « J’entends par le « vœu de servitude » envers les âmes des pauvres, la promesse de me porter constamment et de toutes mes forces à la sanctification des ouvriers grands ou petits que la Providence m’a confiés ».

 

Fondation de l’œuvre de la jeunesse ouvrière

Dès son ordination il se jette, avec la fougue de ses 23 ans, à cet apostolat des jeunes ouvriers. Des essais pénibles et infructueux lui feront comprendre qu’il est fait non pour « faire du bien » et « brasser les affaires » mais pour « graver Jésus-Christ dans les cœurs » en imitant la Méthode qu’un saint prêtre marseillais, l’Abbé Jean-Joseph Allemand avait appliquée pour former les jeunes de la bourgeoisie ; une petite congrégation religieuse était au service de son œuvre. Riche de sa formation à Fribourg et à Saint Sulpice ainsi que de la « Méthode Allemand », il est prêt pour ouvrir son œuvre.

Le 1er Novembre 1847 le Père Timon-David ouvre, avec la collaboration des Messieurs de l’institut de l’œuvre de la jeunesse Jean Joseph Allemand, « l’œuvre de la jeunesse ouvrière » ouverte sous le titre de « Œuvre du Sacré-Cœur ». Il fait ses réelles premières armes en suivant mot à mot la Méthode Allemand ; bien vite, tout en y restant fidèle, il lui donnera son cachet personnel. Sous les conseils avisés de celui qui sera son conseiller spirituel pendant plus de 30 ans, le Père Jean du Sacré-Cœur, la dévotion au Sacré-Cœur va prendre dans sa vie la première place. Pour lui le Sacré-Cœur est le véritable fondateur et protecteur de l’œuvre. Les membres de l’œuvre se consacrent au Sacré-Cœur et s’engagent à « l’honorer par toute leur vie et à étendre son règne ».

 

Fondation de la Congrégation

Voyant la qualité et l’ampleur du travail fait dans cette œuvre, Monseigneur Eugène de Mazenod pousse le Père Timon-David à fonder une Congrégation religieuse au service de l’œuvre. Le Père Timon ne s’en croit pas capable. Mais, le 20 novembre 1852, par un même texte l’évêque reconnaît à la fois l’œuvre et la communauté religieuse, laquelle n’existe pas encore, et leur donne pour patron le Sacré-Cœur de Jésus ! La communauté va connaître quelques essais difficiles et ce n’est qu’en 1859 qu’elle commencera réellement à exister.

 

Son rayonnement

1859 est une année charnière dans la vie de Timon David. La communauté prend forme et se stabilise. Il commence à être connu, lui et sa Méthode de direction des œuvres de jeunesse. En France le souci d’évangéliser les jeunes ouvriers passionne beaucoup de prêtres. Le Père Timon va devoir exposer ce qu’il fait ; on va le pousser à le mettre par écrit et à en faire la publication. À partir de ce moment-là et jusqu’à la fin de sa vie, beaucoup viendront de toute la France, et même d’ailleurs, jusqu’à Marseille voir sur le terrain la Méthode en action. Le Père Timon, tout en donnant toujours la priorité aux jeunes de sa maison et à sa communauté sillonnera la France pour expliquer sa Méthode ; il multipliera ses écrits ; il sera toujours le promoteur d’une éducation franchement chrétienne qui n’a pas peur d’inviter les jeunes à aller le plus loin possible sur le chemin de la sainteté.

En 1864 il ouvre, annexée à l’œuvre, l’École du Sacré-Cœur pour élargir l’influence éducatrice de l’œuvre. Il veut qu’elle soit une école sacerdotale pour les enfants d’ouvriers. Il s’inspire d’un Saint qu’il vénère : Saint Joseph Calasanz dont il écrira la vie. Il a 40 ans ; c’est sa période de maturité ; l’œuvre grandit et rayonne ; l’influence du Père est grande. Il ouvre une nouvelle maison à Marseille. Mais une épreuve lourde et longue à porter va la marquer. Sa petite communauté va connaître durant plus de 10 ans des épreuves purificatrices dont l’évêque de Marseille est la principale cause. Le 8 juillet 1876, la reconnaissance de la Congrégation comme Congrégation cléricale de droit pontifical mettra un terme à toutes ces épreuves. La Congrégation enfin peut vivre. Il continue toute son œuvre avec ses idées royalistes anti-révolutionnaires.

Les épreuves passées rendent le Père prudent. Son souci premier, ce sont les jeunes et les œuvres qu’il faut sauvegarder ; la communauté est à leur service. Il va ouvrir une maison à Aix, une à Béziers. La communauté grandit peu. Le ministère est particulier et pénible. Quand il meurt le 10 avril 1891, jour anniversaire de la mort de l’Abbé Allemand, l’œuvre de sa vie est assurée et peut continuer. Jusqu’au bout, malgré tous les tracas et sa notoriété, il est resté fidèle à son vœu de servitude à la jeunesse ouvrière.


Voici un entretien avec le chanoine Timon-David rapporté par Dom Chautard dans son livre l’Ame de tout apostolat :

Le Père Timon-David :

« — Fanfare, théâtre, projections, gymnastique, jeux, etc., je ne blâme point tout cela. Au début, moi aussi, je les avais crus indispensables ; ce ne sont que des béquilles qui s’emploient faute de mieux. Mais plus je vais, plus mon but et mes moyens se surnaturalisent, car je vois de plus en plus clairement que toute œuvre bâtie sur l’humain est appelée à périr et que seule l’œuvre qui vise le rapprochement de Dieu et des hommes par la vie intérieure est bénie par la Providence.

Les instruments de musique sont au grenier depuis longtemps, le théâtre m’est devenu inutile, cependant l’œuvre prospère plus que jamais. Pourquoi ? C’est que mes prêtres et moi voyons, Dieu merci, bien plus juste qu’au début, et que notre foi dans l’action de Jésus et de la grâce s’est centuplée. 

Croyez-moi, n’hésitez pas à viser le plus haut possible, et vous serez étonné des résultats. Je m’explique : n’ayez pas seulement comme idéal d’offrir aux jeunes gens un choix de distractions honnêtes qui détournent des plaisirs défendus et des relations dangereuses, ni de simplement les vernir de christianisme par une assistance machinale à la messe ou par la réception très distanciée et à peine passable des sacrements.

Duc in altum [Avancez en pleine mer (Luc, V, 4)]. Ayez d’abord la noble ambition d’obtenir à tout prix qu’un certain nombre d’entre eux prennent l’énergique résolution de vivre en chrétiens fervents, c’est-à-dire avec la pratique de l’oraison le matin, l’habitude quotidienne de la messe si cela se peut, une courte lecture spirituelle, et, cela va de soi, fréquentes et fructueuses communions. Appliquez toutes vos sollicitudes à donner à ce troupeau choisi un grand amour de Jésus-Christ, l’esprit de prière, d’abnégation, de vigilance sur soi-même, de solides vertus en un mot. Développez avec non moins de soin dans leurs âmes la faim de l’Eucharistie. Puis excitez peu à peu ces jeunes gens à l’action sur leurs compagnons. Façonnez des apôtres francs, dévoués, bons, ardents, virils, sans étroite dévotion, pleins de tact, ne donnant jamais, sous prétexte de zèle, dans le triste travers d’épier leurs camarades. Avant deux ans, vous me direz s’il est encore besoin de cuivres ou de décors de théâtre pour obtenir une pêche fructueuse.

— J’entends, répondis-je [Dom Chautard] ; cette minorité doit être le ferment. Mais pour les autres que l’on ne pourra amener à ce niveau, pour l’ensemble, pour ces jeunes gens de tout âge, ces hommes mariés même que comptera le Cercle projeté, que faire ?

— Leur donner un foi robuste par des séries de conférences sérieusement préparées et qui occuperont plusieurs de leurs soirées d’hiver. Vos chrétiens en sortiront suffisamment armés, non seulement pour riposter victorieusement aux camarades de bureau et d’atelier, mais aussi pour résister à l’action plus perfide du journal ou du livre. Faire naître chez des hommes d’inébranlables convictions, qu’au besoin ils savent affirmer sans respect humain, constituera un résultat déjà très appréciable ; il faudra cependant les conduire plus loin, jusqu’à la piété, une piété vraie, chaude, convaincue, éclairée.

— Dois-je dès le début ouvrir la porte à tout venant ?

— Le nombre n’est à souhaiter que si les éléments recrutés sont bien choisis. Que l’accroissement de votre Cercle résulte surtout de l’influence exercée par le noyau d’apôtres, dont Jésus, Marie, et vous comme leur instrument, serez le centre.

— Le local sera modeste, dois-je attendre que nos ressources nous permettent de faire mieux ?

— Mon Dieu ! au début, des salles spacieuses et commodes peuvent, comme un tambour de ville, servir de réclame pour attirer l’attention sur une œuvre naissante. Mais, je le répète, si vous savez mettre à la base de votre association la vie chrétienne, ardente, intégrale, apostolique, le local strictement nécessaire suffira toujours pour qu’y trouve place tout ce que le fonctionnement normal d’un Cercle réclame d’accessoires. Oh ! que vous pourrez juger alors que le bruit fait peu de bien, et le bien peu de bruit ! et comme vous constaterez que l’Evangile bien compris fait diminuer le budget des dépenses sans porter préjudice aux résultats, tout au contraire ! Mais avant tout, il faudra payer de votre personne, et cela, bien moins pour préparer laborieusement des pièces de théâtre, des séances de gymnastique, que pour accumuler en vous la vie d’oraison ; car sachez-le bien : dans la mesure où vous, le premier, vivrez d’amour de Notre-Seigneur, dans cette proportion aussi vous serez capable d’en allumer les ardeurs dans autrui.

— En somme, vous basez tout sur la vie intérieure ?

— Oui, mille fois, car ainsi, au lieu d’alliage on obtient de l’or pur. D’ailleurs, croyez-en ma vieille expérience, on peut appliquer à toute œuvre : Paroisse, Séminaire, Catéchisme, Ecole, Cercle militaire, etc., ce que je dis pour les œuvres de jeunesse. Quel bien une association chrétienne vivant vraiment dans le surnaturel, produit dans une grande ville ! Elle y agit comme un levain puissant, et les anges seuls peuvent dire combien elle y est féconde en fruits de salut.

Ah ! si l’ensemble des prêtres, des religieux, des personnes d’œuvres même, connaissaient la puissance du levier qu’ils ont en main, et prenaient davantage pour point d’appui le Cœur de Jésus et la vie en union avec ce divin Cœur, ils relèveraient notre France. C’est certain, ils la relèveraient en dépit des efforts de Satan et de ses suppôts. »


Bibliographie

  1. Méthode de direction des œuvres de jeunesse : patronages, cercles, écoles, petits séminaires, etc. (1859-1875), 3e éd.Marseille : Impr. E. Court-Payen, 1892.
  2. Traité de la Confession des enfants et des jeunes gens,1865.
  3. Vie de Saint Joseph Calasanz, 1883.
  4. Mes souvenirs, 1881.
Source : Wikipedia

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