François, Chevalier du Christ

Le 17 septembre, la liturgie catholique fête les stigmates de saint François d’Assise. L’occasion de relire le récit qui en est fait par Parvula et Pecorella di Dio dans leur excellente hagiographie destinées aux enfants : Histoire du Frère saint François d’Assise, le Chevalier du Christ.


 

Comment, par un prodige unique, Saint François fut décoré par Notre Seigneur Jésus-Christ, en récompense de son amour généreux pour Lui.

Quand vous souhaitez le bonjour ou le bonsoir à vos parents en leur distribuant de bons baisers, c’est un devoir bien doux ! Mais, cessez-vous de les aimer, lorsque, dénouant vos bras, vous ne restez pas suspendus à leur cou en leur murmurant des paroles de tendresse ?

N’est-ce pas, au contraire, un témoignage d’affection que vous leur donnez en les quittant à l’heure convenue, pour vous appliquer au travail, leur faire plaisir et obéir à leurs volontés ? Le cours terminé, n’êtes-vous pas joyeux d’accourir auprès d’eux et, en les câlinant, de leur raconter les menus incidents de la classe, vos progrès sans doute, vos défaillances, peut-être, et certainement vos bonnes résolutions ?

Vis-à-vis du bon Dieu, la prière est ce contact intime du bonjour, ou du repos de l’âme avec Lui. C’est aussi, l’accomplissement de la volonté de notre Père Céleste en obéissant à ses lois : les commandements et les préceptes de l’Evangile, car, prier, c’est souvent un acte des lèvres, mais c’est toujours, ce doit être toujours, un acte du cœur.

François comprenait ainsi la prière et il réalisait la demande de Jésus : « Il faut toujours prier et ne jamais cesser ».

Le soin des âmes, l’apostolat, la pacification des esprits, la poursuite de la vertu, l’établissement des trois Ordres, François s’y adonnait, sous l’œil de Dieu, de toutes ses forces, car il savait que c’était le désir et la volonté de Notre-Seigneur, mais dès qu’il le pouvait, même la nuit, il se rapprochait de Dieu par une conversation intérieure, une oraison soutenue et recueillie. Son attitude révélait le respect et une dévotion profonde. Jamais de pose nonchalante ou de regards en quête d’une distraction. Il ne s’appuyait pas contre le mur ; se tenait debout ou à genoux, les yeux fixés sur l’autel, ou humblement baissés. Comme il était clerc, il disait l’Office chaque jour et en se rendant d’un pays à l’autre pour évangéliser, s’arrêtait, l’heure venue, récitait les psaumes et antiennes d’usage. Il lui arriva fréquemment de recevoir de violentes averses sans qu’il fît le moindre mouvement. Combien il était pénétré du respect dû au bon Dieu !

Cette belle tenue, il la possédait intérieurement aussi et si des pensées étrangères importunaient son oraison, il s’en confessait aussitôt. Il alla même plus loin :

Une aptitude naturelle l’avait porté à sculpter, dans ses loisirs, une œuvre originale, un joli petit vase. Il le destinait peut-être à l’ornementation de la chère chapelle de la Portioncule.

L’objet était achevé lorsque sonna l’heure de l’Office, appelée Tierce. François, suivant son habitude, récita dévotement les prières de coutume, et pendant qu’il exprimait les louanges divines, son regard se posa inconsciemment sur le petit vase. Si peu que son attention fut détournée il le déplora amèrement, et après l’Office, il saisit avec vivacité l’objet de sa distraction, le jeta dans le feu en disant à ses frères : « J’en fais le sacrifice volontiers, car il a troublé ma prière. Quelle honte de m’être laissé arrêter par une pareille bagatelle tandis que je m’adressais au Grand Roi ! »

C’est ainsi que, dans tous ses actes, François n’oubliait jamais le bon Dieu, et par sa bonne volonté, restait en liaison avec Lui. Il L’aimait et lui avait donné toutes ses pensées, tout son être, toute sa vie par l’apostolat. Chevalier du Christ, sans nul égal depuis les Apôtres, il en reçut une récompense magnifique dès cette vie.

… Peut-être, enfants, avez-vous été témoins de cette imposante cérémonie qu’est celle de la décoration de la Légion d’Honneur, ou de la Médaille Militaire, conférée à quelque héroïque serviteur de la Patrie ; la guerre nous en a fourni de si beaux et nombreux exemples. En tous cas, vous en avez sans doute entendu parler. C’est une minute solennelle que celle où l’on proclamait le nom et la citation de ces vaillants devant la foule. Le tambour roulait, le chef s’avançait, déposait l’insigne glorieux sur la poitrine des braves et leur donnait l’accolade au nom de toute la France. Les assistants étaient tête nue : plus d’une larme tremblait, captive, dans l’œil brillant et une émotion silencieuse planait sur cette scène splendide.

Ce n’est pas debout, tête nue, c’est à genoux, dans le recueillement intime et l’admiration muette qu’il faudrait entendre le récit dans lequel est raconté comment Notre-Seigneur Jésus-Christ décora glorieusement, sur l’immense front de l’Eglise militante, son très fidèle et courageux chevalier François d’Assise. 

C’était en l’an 1224. François avait quarante-deux ans. Les privations qu’il s’était imposées, les fatigues des longs voyages toujours à pied, et, plus encore, l’ardent désir de tout son être aspirant à Dieu avaient épuisé son corps, naturellement nerveux et délicat. De plus, il souffrait des yeux et sa vue s’affaiblissait beaucoup. Il avait des moments de faiblesse excessive où, incapable de bouger, il devait rester étendu de longs jours et presque aveugle, dans la petite cabane de Sainte-Marie-des-Anges ou quelque autre ermitage tout aussi misérable.

Puis un sursaut de vie venait le ranimer, et François retrouvant un peu de forces ne rêvait que de reprendre son existence d’apôtre.

C’est ainsi qu’en l’été de 1224, il voulut s’en aller sur une grande montagne appelée l’Alverne, pour y prier Dieu dans la solitude et se préparer par un jeûne de quarante jours à la fête de l’Archange saint Michel. Cette montagne lui avait été donnée onze ans auparavant par un seigneur riche et généreux. Il y était venu plusieurs fois déjà, mais, cette année, elle allait devenir un lieu sacré entre tous.

François gagna donc le sommet de l’Alverne avec ses rochers moussus, ses crevasses géantes et son immense forêt verte. Des excavations dans la pierre lui servirent de cellules ou d’oratoires. Dans l’une, frère Léon célébrait la Messe. C’était un véritable nid d’aigle d’où le regard pouvait errer sur l’immensité d’un paysage bleuâtre taché de violet, de fauve, sur lequel se découpaient les crêtes des montagnes voisines.

Quel endroit propice au recueillement devant les grandes et magnifiques œuvres du Créateur !

François était si près de Dieu, dans la prière, que son âme se laissait absorber en Lui. Son cœur se fondait en un brûlant désir de Lui témoigner un plus grand amour.

Mais, que faire ?… Il recourut cette fois encore, au saint Evangile. A trois reprises, son regard se posa sur le récit de la Passion de Notre-Seigneur.

Il fallait donc souffrir. C’était l’indication du ciel. Sans appréhension à la pensée de nouvelles tribulations, parce qu’il aimait Jésus, François, loin de perdre courage, tressaillit d’allégresse et, avec plus d’ardeur que jamais, concentra sa vie intérieure sur son modèle, Jésus Crucifié.

Un matin de la mi-septembre, François priait sur un rocher abrupt, relié à un autre par le pont fait d’un tronc jeté au-dessus de l’abîme. L’aube se levait. Soudain, dans le ciel pâle, un séraphin apparut devant François extasié. Il avait l’apparence d’un homme crucifié, et de ses six ailes, deux s’élevaient au-dessus de sa tête, deux autres étaient étendues pour voler ; les deux dernières lui voilaient le corps.

François reconnut Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, dont le regard plein de tendresse et de beauté le transperçait d’amour jusqu’au plus profond de son âme.

Effrayé et ravi, il entendit de secrètes paroles et il comprit que le Sauveur crucifié voulait le rendre semblable à Lui, non par le martyre de la chair mais par la vivacité de son amour. Et en effet, la vision disparut, mais le feu d’une charité et d’une tendresse reconnaissantes — impossibles à décrire — dévora son âme en l’honneur de Celui qui a souffert volontairement pour nous.

Le cœur de François n’avait pas seul été touché par l’influence divine du Séraphin : voici que sur ses membres apparaissaient, comme un sceau glorieux, les stigmates sacrés du Christ, tels qu’il venait de les voir. Des clous de chair noire, à la tête ronde, traversaient ses pieds et ses mains, de leur pointe longue et recourbée.

A son côté droit, une ouverture analogue à celle qui blessa le Sacré-Cœur de Jésus, laissait passer, en une cicatrice rouge, un sang vermeil.

… Le Roi des Rois, le Christ, Rédempteur du monde par la Croix, venait de décorer glorieusement de ses plaies son fidèle et généreux chevalier François d’Assise !…

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François aurait voulu cacher à ses compagnons cette faveur sans exemple, mais malgré toutes ses précautions ils se rendirent compte qu’il s’était passé quelque chose d’anormal. Ses mouvements pénibles, le sang qui rougissait ses linges devinrent révélateurs. Au frère Léon, son confesseur, François dévoila le privilège reçu, mais pour tout autre il garda le secret, car les grâces du bon Dieu ne doivent être manifestées que par Lui. Il mit de gros chaussons de laine à ses pieds et faisait descendre ses manches très bas afin de dissimuler ses mains.

C’était prendre beaucoup de soin ; cela n’empêcha pas le frère Rufin d’apercevoir la plaie du côté, un jour qu’il aidait François à ôter sa tunique.

D’autres virent les marques de ses pieds et de ses mains et l’attestèrent plus tard sous la foi du serment. Et lorsque deux ans après le grand miracle, François rendit son âme à Dieu, non seulement ses compagnons, mais les habitants d’Assise et des foules entières purent contempler et vénérer les stigmates miraculeux.

Ce prodige sans pareil, la Sainte Eglise l’exalta magnifiquement. Dans tout l’univers, le 17 septembre, Elle célèbre l’Office de la fête des Saints Stigmates de Saint François d’Assise. 

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La marche était devenue douloureuse, presque impossible au frère François, cependant il n’interrompit aucunement ses prédications ; monté sur un petit âne, il allait de ville en village et lorsque les habitants apprenaient sa venue, ils se précipitaient à sa rencontre en disant : « Voici le Saint !… voici le Saint de Dieu !… »

La faiblesse de François était parfois si grande qu’il ne pouvait pas parler ; alors il se contentait de bénir la foule prosternée et tous ces braves gens rentraient chez eux, tout heureux d’avoir reçu la bénédiction de celui qu’ils savaient être l’ami, le privilégié du Seigneur.

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