La formation du chef de patrouille 

Une nouvelle année scoute commence… on t’a demandé de prendre la direction d’une patrouille, de devenir CP ? L’occasion de faire le point et de te poser les bonnes questions. A cet effet, nous reproduisons ici un article signé Kang, paru dans la revue Le Chef n°93, revue des Scouts de France, 15 mai 1932.


 

« Le système des Patrouilles consiste à mettre les Scouts en groupes permanents sous le commandement de l’un d’eux qui devient Chef de Patrouille. »
B.-P. Scouting for boys.

 

Oui ! Mais l’on n’est pas Chef de Patrouille, tout de suite, du jour au lendemain : il faut passer par toute la période d’apprentissage, de formation, de finissage.
On peut dire qu’il y a trois stades. Tout d’abord :

A — Je vais être chef de Patrouille. Le Chef m’a prévenu. Après réflexion, j’ai accepté ; et je me prépare, car :

B — Je veux être Chef de Patrouille. Un vrai Chef. Pour être prêt, je dois m’instruire et faire un stage d’essai. Alors seulement,

C — Je suis Chef de Patrouille.

Pour obtenir les meilleurs résultats, il faut donner au Chef de Patrouille une pleine et entière responsabilité. Si on ne lui donne qu’une responsabilité partielle, on n’obtiendra de lui que des résultats partiels. (Syst. des Pat.).

— Ne vous laissez pas rebuter par un échec.
Le premier est nécessaire, car il exerce la volonté.
Le second peut être utile.
Si vous vous relevez du troisième : vous êtes un homme !

 

A — Je vais être Chef de Patrouille
La méthode de formation la meilleure, est celle par laquelle on se documente sur toutes sortes de sujets de la technique scoute. Ces connaissances s’acquièrent par les livres — par les conseils et par l’expérience personnelle.

a) Par les Livres. — Il y a une bibliothèque de Troupe spécialement appropriée aux Chefs de Patrouille. Il est indispensable de connaître : Eclaireurs, de Baden-Powell. Le système des Patrouilles. Le règlement SDF. « Le Scoutisme » du Père Sevin. (1)
« Ces livres ne doivent pas servir d’ornement au local de la troupe. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient recouverts de poussière ».

b) Par les Conseils. — En voici quelques-uns à méditer :
L’influence et le respect que l’on s’attire comme Chef de Patrouille sont le résultat de la valeur personnelle — et cela dépend de toi.
— Les mauvais scouts sont souvent le résultat d’une patrouille qui a trop peu à faire et dont le travail est mal ou pas du tout réglé.
— Le C.P. adopte un programme, le suit régulièrement : il arrive aux réunions le premier, applique son programme, et part le dernier.
— Dans le scoutisme, il y a toujours du nouveau, il n’y a qu’à se donner la peine d’ouvrir les yeux et de réfléchir, si les livres vous font peur.
— Comment obtenir le dévouement des scouts pour la Patrouille ? En les intéressant par des réunions régulières et bien préparées. En demandant et surtout en accueillant leur collaboration au coin de Patrouille. En introduisant de la vie dans les réunions. En recherchant les articles — les images — les photos sur l’emblème et le Patron de la Patrouille.
— L’affection qui existera entre les scouts de la Patrouille est un des plus grands secrets qui aideront son chef à la faire bien marcher.

c) Par l’expérience personnelle. — Comme Chef de Patrouille « tu dois commander. Comment t’y prends-tu ? Est-ce que tu cries à tes scouts : « Voilà ce qui est à faire ! Dépêchez-vous ! que ce soit bien fait ! ».
Non ! tu pousses ton cri de Patrouille, tu rassembles tes scouts, et tu dis : « Nous devons faire tel travail, venez avec moi, faisons vite et bien ». Et tu travailles le premier, tu indiques le travail. Tu connais tes scouts et tu sais ce qu’il faut dire à chacun d’eux pour qu’il fasse le mieux son travail. Surtout tu auras de la Patience ! »

 

B — Je veux être Chef de Patrouille
— Si l’on te nomme Responsable, il faut vouloir le rester. Si les fonctions ne te plaisent pas, il faut le dire à ton Chef dont tu as la confiance et ne pas faire le dégoûté, ni le blasé, le garçon qui se fiche de tout et que rien n’intéresse. Le Chef de Patrouille doit présenter un minimum de valeur morale, technique et pratique. Un second de Patrouille, qui ne présenterait pas ce minimum ne devra pas être investi Chef de Patrouille, même s’il en a rempli provisoirement les fonctions.
On peut donc poser à la candidature d’un Chef de Patrouille des conditions analogues à celles-ci :
— Etre scout de seconde classe.
— Avoir fait un stage comme second de Patrouille.
— Avoir fait un stage comme chef de Patrouille. (2)
— Posséder les épreuves de première classe suivantes : apostolat, religion, matelotage, campisme, cuisine, exploration, secourisme.

a) Apostolat — Présenter un novice recruté par le candidat, et prêt à faire sa promesse scoute.
Le Recrutement et la formation scoute d’un novice, est une œuvre qui veut, pour réussir, de la conviction et de l’enthousiasme. — La formation d’un novice est une bonne école préparatoire à la direction d’une patrouille.
Suivant la valeur du novice qu’il aura choisi et formé, la cour d’Honneur jugera de celle du futur C.P.

b) Religion — Pouvoir répondre à une interrogation sur : la Grâce, la Vie surnaturelle, les Sacrements, la Grâce Sacramentelle.
Il n’est pas admissible qu’un Chef de Partrouille connaisse moins bien sa Religion qu’un Louvart. Le futur Chef doit connaître sa Religion pour répondre à des questions, soit des scouts, soit aussi de ses camarades qui, d’après ses réponses jugeront le scoutisme catholique.

c) Matelotage — Faire et savoir utiliser les nœuds suivants : brêlages droits et diagonaux, nœuds de chaise double et anglais, œillet, tresse, épissure, tête de turc et tous les nœuds d’aspirant et de seconde classe. Tout chef doit être capable d’exécuter le nœud qui trouve exactement son application, soit au camp, soit en sortie, tel que : dresser une tente, confectionner tables et sièges, clôtures, faire des ponts, amarrer un bateau… Il doit savoir faire tous les nœuds. Il peut arriver que la vie d’un de ses scouts dépende d’un nœud plus ou moins bien fait.

d) Campisme — Avoir campé 10 nuits sous la tente (dont 5 comme SP ou ff. CP (2)), savoir dresser une tente, utiliser, entretenir et réparer le matériel de camp. Précautions à prendre contre le feu.
« Il y a des gens qui parlent de la rude vie des camps. Ce sont généralement ceux qui n’ont jamais vu des camps scouts, ou en ont vu des mauvais. » Le Chef de Patrouille doit être un bon campeur et posséder mille trucs pour se tirer d’affaire lui et sa patrouille.

e) Cuisine — Connaître cinq feux, cuire sur un feu, au camp ou en sortie, deux plats mangeables pour la Patrouille (préparation soignée). Rendre l’eau potable.
Au camp, il faut manger, et même bien manger, car rien n’excite l’appétit comme l’exercice et le grand air.
Les C.P. auront donc à pourvoir à la nourriture de leurs scouts. La cuisine en plein air ne vise certes pas à la recherche des petits plats, mais elle ne consiste pas davantage, en ces préparations hâtives, maladroites et négligées, que l’on nomme si bien « La Ratatouille ». La bonne alimentation donne la bonne humeur ; elle exige une préparation appétissante, basée avant tout sur le soin, la propreté, la variété et la qualité. Pas de bons camps sans bonne cuisine ; c’est pour cela que le chef doit non seulement savoir la faire mais aussi l’enseigner.

f) Exploration — Se rendre à pied, à une distance de 10 km et en revenir par un autre chemin, en produisant un rapport témoignant de son observation — 1 essai réussi.
Un Chef doit, autant que possible, être capable de ne pas perdre sa Patrouille à travers bois et champs. Il remarquera pour cela les moindres signes pouvant faciliter le retour.
Quand il sort avec sa Patrouille, il doit d’un seul coup d’œil reconnaître les terrains propices aux jeux, aux sorties et aux camps. Il saura intéresser ses scouts en leur montrant sur la route et autour d’eux, ce qu’ils ne verraient pas, s’ils étaient livrés à eux-mêmes. 

g) Secourisme — Soins à donner en cas d’hémorragies, de plaies et de fractures, et de différents malaises. Chacun de vous peut être le témoin d’un accident plus ou moins grave. La vie au grand air, qui nous vaut des trésors de force et de santé comporte aussi des anicroches. Rappelez-vous votre devise : toujours Prêts. Prêts à faire ce qu’il faudra tout de suite.
Les C.P. possèderont donc la connaissance des Premiers Secours, pour être en mesure d’apporter une aide prompte et intelligente, qu’il s’agisse d’une contusion insignifiante, d’une blessure légère, ou d’un accident grave.
Dans le cas contraire, les camps de patrouille, réservés aux C.P. expérimentés, seront interdits.

Et maintenant, frère scout, tu as terminé toutes tes épreuves techniques, tu remplis les conditions exigées, tu n’attends plus que le vote des membres de la Cour d’Honneur.
Celle-ci s’est réunie et ratifie ta nomination.
C’est donc décidé, l’aumônier, le scoutmestre sont contents de toi. Tu es membre de la Cour d’Honneur.
Tu vas être investi.
Par qui ? Par ton Chef !
Souviens-toi que c’est de lui que tu détiendras tes fonctions et ton autorité.
Prépare-toi convenablement à cette cérémonie d’Investiture et montre que tu as de l’assurance dès le début.
– Le Scout est maître de soi…

(A suivre…)


1 — Pour ceux qui n’ont pas de bibliothèque de Troupe, consultez le Réseau Baden-Powell et ses très nombreuses ressources ! La bibliographie citée reste d’actualité. Nous rajouterions aujourd’hui Le CP et son gang, de Michel Menu.

2 — C’est ici la distinction entre CP nommé et CP investi qui est évoquée. « ff CP » signifie « faisant fonction de CP ».

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