Les Scouts au bois s’en vont camper… Pourquoi ?

Extrait du Bulletin de liaison des aumôniers scouts, Association des Scouts de France, n°82, novembre 1937.


A l’occasion des Journées Nationales, consacrées à la vie de plein air et à la science des bois, il nous paraît intéressant de citer quelques passages d’un bel article du R.P. Rimaud, paru dans Les Etudes (20 juin 1936).

Après avoir noté le succès du campisme, l’auteur montre d’abord que si « le campisme est le moyen essentiel et caractéristique de cette méthode d’éducation qu’est le Scoutisme », le Scoutisme est pourtant bien autre chose que du simple campisme.

Le but du camp scout n’est pas d’abord d’aérer les poumons de nos jeunes citadins.

« Pour faire ainsi, comme on dit, « provision d’air », il n’est vraiment pas besoin de loi, ni de promesse, ni de cette ambition foncière de transformer la vie moderne.

Mais le Scoutisme a-t-il vraiment cette ambition ? Le succès, dit-on, assagit les révolutionnaires. Certains se demandent si le Scoutisme ne se serait pas embourgeoisé. De ce mouvement jeune, hardi, qui ne tendait à rien de moins qu’à réformer l’esprit de l’éducation pour renouveler l’esprit de notre civilisation décrépite, le pire ennemi était et reste l’esprit administratif. Or, il a fallu faire de l’administration et de multiples règlements. Il en est résulté, ici ou là, un Scoutisme bien sage… D’où des camps de scouts qui ne sont pas des camps scouts. Ce qui a été perdu en route, c’est la volonté initiale et fondamentale de se mettre à l’école de la nature.

… Tout ou presque tout ce qui remplit la journée d’un scout au camp peut remplir la journée d’un autre campeur. Ce qui importe, c’est l’esprit scout. Et l’esprit d’une méthode d’éducation est une intention, l’intention d’un idéal à réaliser. »

Or, quelle fut l’intention première de Baden-Powell ? Le Scoutisme, dit-il, est une école de civisme par la science des bois. La science des bois n’est donc pas un simple jeu, ni un élément accessoire du Scoutisme ; elle est vraiment la grande maîtresse de vie. Et voici comment :

« La science des bois, c’est d’abord pour les garçons, la science de la vie dans les bois, car il faut y vivre…

Vivre demande de l’effort, du savoir-faire, des idées ; qu’on se serve de ses doigts, bien sûrs, mais aussi et plus encore de son jugement. L’enfant découvre tout ce que l’homme a dû mettre de lui dans tout travail honnêtement fait… Chacun doit travailler, prendre de la peine, se servir, s’ingénier, se débrouiller… Il faut, au camp, prendre sa vie à son compte. Or, nous avons un urgent besoin, dans la cité, d’hommes capables de cet effort premier. »

L’éducation physique a sa place au camp. Mais pas pour elle-même.

« La santé est une condition du service… Un scout doit revenir du camp en meilleure santé. L’erreur sera le plus souvent de croire que le bien fait à la santé puisse être la fin première et suffisante d’un camp scout…

Le camp permet une gymnastique nécessaire et spontanée, exercice, assouplissement, affermissement de tout le corps par le jeu naturel de la vie en plein air. »

Maîtresse d’effort personnel et de vie saine, la vie des bois est aussi grande maîtresse en formation sociale. C’est pour la vie des camps qu’a été conçu le système des patrouilles.

« Au camp, la nature commande ; elle détermine et précise la tâche du jeune chef et rend sensible la nécessité de son autorité ; elle défend en même temps le chef enfant contre la fantaisie et l’arbitraire qui se traduisent automatiquement par le désordre et l’insuccès…

… Or, ce qui est vrai du chef l’est également des scouts qui lui sont confiés. Dans cette vie des bois, la nature commande l’obéissance aussi bien que l’autorité… Pour le simple scout comme pour le chef de patrouille, nous pouvons, chefs et aumôniers, nous dispenser de sermon, de laïus, presque d’explications ; un bref commentaire de la réalité suffit à leur inculquer les leçons essentielles d’un ordre social à leur taille.

Est-il besoin maintenant d’insister pour montrer comment cette vie des bois éprouve et révèle les caractères ? Elle le fait par sa constance, sa régularité, son caractère d’impersonnelle nécessité. Et sa simplicité nous défend contre le danger des analyses subtiles. Notre première tâche d’éducateur, la plus difficile, est de connaître un enfant dans la sincérité de sa nature. Pour connaître un scout, il n’y a qu’à le regarder vivre quand on sait accepter de perdre ainsi son temps. Pour le former, il n’y a qu’à exiger doucement qu’il vive loyalement cette vie des bois.

Nous n’avons pas encore épuisé la vertu du camp. Baden-Powell a vu plus loin. A l’école de la nature nous trouvons Dieu, car son œuvre se manifeste, dans la mesure où connaître et découvrir la création, c’est connaître et, d’une certaine façon, découvrir le Créateur. Tandis qu’à la ville l’œuvre de l’homme si certaine, si éclatante, si grande d’ailleurs et réellement admirable, nous masque Dieu, les bois nous mettent en sa présence…

… Les enfants, sans doute, sentent à leur manière la beauté, et surtout ils expriment à leur façon ce qu’ils sentent sincèrement. Mais que la science des bois leur soit ouverte et qu’elle les mène jusqu’à Dieu nous n’en pouvons plus douter…

« On n’a pas assez admiré le paysage ou bien on l’a admiré sans penser que c’était Dieu qui l’avait fait. » Ce mot [d’un scout], fragment d’un examen sur l’observation de la loi scoute pendant le camp, n’est-il pas révélateur ?…

Après avoir débrouillé et endurci un garçon, après avoir mortifié son égoïsme et déterminé chez lui quelques attitudes sociales susceptibles de devenir des habitudes, un camp scout, vraiment scout, peut éveiller son admiration pour la création. Cet enfant, de douze ans à peine, à qui il fallait « expliquer » les étoiles, était-il si loin d’une forme de prière qui est celle des Psaumes ? »

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