Vie d’un fondateur : Baden-Powell – partie 1

Tout scout sait que le premier camp scout du monde, camp expérimental, eu lieu en 1907.

Baden-Powell a alors cinquante ans, et durant quelques jours, il met en application le fruit de ses expériences et de ses lectures. C’est que le début du XXe siècle est marqué par un fourmillement pédagogique. Evoquons les plus connus : Maria Montessori (qui fonde la Casa de bambini en 1907), l’Ecole des Roches et ses capitaineries, développement du sport, de la gymnastique suédoise, de la méthode Hébert, des Patronages ou encore du Judo après la visite du fondateur en France en 1889. Ajoutez à tout cela l’engouement pour les aventures coloniales et la préoccupation pour les classes sociales défavorisées… et le scoutisme n’est pas loin de naître. Mais auparavant, voyons l’enfance du fondateur…

 

Orphelin de père

Toutes les belles histoires commencent ainsi : Robert Stephenson Smyth Baden-Powell reçu le don de la vie le 22 février 1857 à Londres. Sa mère, Henriette Grace Powell (née Smyth), respire la joie et éduque ses enfants dans un climat de responsabilisation et de pratique des vertus morales. Rapidement, elle doit assurer seule l’éducation de ses cinq garçons puisque son mari, Baden Powell (Baden étant son prénom), meurt en 1860. Le jeune Robert a trois ans. Il reste marqué par la figure de son père, pasteur, scientifique et professeur à Oxford, qui aura quelques difficultés avec son église, donnant une primauté à la science sur la Bible.

Nous évoquions Robert, mais tout le monde l’appelle Stephe, diminutif de son deuxième prénom, qu’il tient de son parrain, le fils de l’inventeur de la machine à vapeur. Orphelin de père, Stephe se rapproche de son grand père maternel, marin, scientifique, et chercheur en astronomie. C’est un garçon maigre mais comique, qui ne cesse de faire le clown dès qu’il en a l’occasion. Il dessine aussi, avec un talent égal des deux mains, talent qu’il saura mettre à profit. Déjà, la notion de service lui est fortement inculquée par sa mère et son grand-père.

Autre influence, Henriette s’investit dans l’action sociale, contre le libéralisme économique qui est en train de se mettre en place. Elle subit l’influence de Kingsley, mais aussi de John Ruskin (qui rédige une loi en huit points pour ses employés). Plus regrettable, elle s’intéresse aussi au spiritisme, très en vogue à l’époque, et cherche ainsi à résoudre ses problèmes d’argent.

 

Doué, mais mauvais élève

Bientôt, Stephe part pour l’internat, dans la noble institution de Charterhouse. L’école tient son nom de la Chartreuse qui fut fondée en ces murs au XIVe siècle. Le jeune élève se fait remarquer au football : c’est un gardien de but qui brille… par ses pitreries. Il est excellent à la chorale, fait du violon, s’investit dans le journal de l’école, mais ses résultats scolaires sont plutôt mauvais, et pour cause : le jeune Stephe ne travaille pas.

Heureusement, le nouveau directeur sait voir plus loin que les résultats scolaires. C’est un homme qui se libère de la discipline, qui prône la responsabilisation et la confiance en l’enfant. C’est grâce à lui que Stephe s’investit dans le théâtre, un nouveau talent qui sera essentiel tout au long de sa vie.

« Haig-Brown n’encourage pas seulement le théâtre. Il cultive l’esprit de corps. Installé encore à Londres, Charterhouse voisine avec le grand marché aux bestiaux de Smithfield. Les bagarres entre les élèves et les garçons bouchers des environs sont fréquentes. Un jour de novembre 1870, alors que Stephe, nouveau gownboy, regarde le déroulement d’un jeu, une bagarre éclate. Très vite, les garçons bouchers prennent le dessus. Surgit alors le révérend Haig-Brown. N’importe quel directeur aurait certainement tenté de faire cesser la bagarre. Celui de Charterhouse veut cultiver le sens de l’honneur et de la défense de la petite patrie que doit être Charterhouse pour ses élèves. Il interpelle les garçons qui regardent la bataille en leur disant qu’ils pourraient emprunter une porte afin de prendre leurs adversaires par surprise. Avec bon sens, l’un des élèves fait remarquer que la porte est fermée. En sortant la clef de sa poche, Haig-Brown réduit l’objection à néant. Stephe et ses camarades parviennent ainsi à renverser le cours d’une bataille mal engagée. L’honneur de Charterhouse est sauf. Les nouveaux élèves viennent de découvrir l’anticonformisme de leur directeur pour lequel chaque événement de la vie peut servir de leçon. » [Baden-Powell, de Philippe Maxence].

Le directeur donne beaucoup d’importance au sport, conformément à l’habitude anglaise et au courant du moment qui privilégie la transmission des principes moraux à la formation intellectuelle. Pourtant, à quinze ans, Stephe ne sait toujours pas nager. Pour éviter les baignades, il fausse compagnie à ses camarades et va explorer les bois environnants. Il observe la faune et la flore, réalise de nombreux croquis, observe, piège les lapins… et se cache dans les arbres pour échapper aux professeurs. Son apprentissage se fait par l’expérience, l’observation et la déduction : il vit déjà les principes du scoutisme. Mais Stephe n’est pas toujours seul dans les bois. Tout le monde connaît le film Le cercle des poètes disparus. Et bien Charterhouse a aussi son club secret, son cercle de poètes : The Druid. Bière, discours et chants sont au programme. Humour aussi… Stephe y prend le nom de lord Bathing-Towel : lord Serviette de bain.

Les vacances ne se savourent pas dans les bois, mais sur l’eau. Les descentes fluviales sont fréquentes avec ses frères. Il apprend à naviguer et découvre déjà l’île de Brownsea, au large de la côte anglaise. C’est aussi, bien sûr, l’apprentissage de l’exigence qui s’impose à un équipage. Mais bientôt, la vie adolescente s’achève. Il faut penser plus loin. Sa mère veut qu’il aille à l’université, mais ses résultats ne le permettent pas. C’est un esprit pratique et non spéculatif. Il se réalise dans l’action. L’action, il va la trouver, puisque contre toute attente, il est reçu avec d’excellents résultats à deux concours militaires. Il choisit l’arme la plus prestigieuse : la cavalerie.

Cette biographie est un résumé de l’excellent ouvrage de Philippe Maxence : Baden-Powell, Eclaireur de légende et fondateur du scoutisme, Perrin, 2003, réédité en format poche chez Tempus en 2016. 

Suite de la biographie : partie 2

 

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